Montenegro Mountain Madness 2024
- 31 juil.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 oct.
La Montenegro Mountain Madness s’est tenue début juillet 2024. Une bonne ballade de 630 km pour 16000 D+ à travers ce petit pays des Balkans.
Nous étions 45 au départ de cette 1 ère édition, où nous avons retrouvé les organisateurs de la Transbalkan Race et Istraland. 3 épreuves très différentes mais toutes ciselées dans la roche par Bea et Lucas.
Est-ce une course ? Pas vraiment. Disons plutôt un prétexte pour voir du pays. Une excuse valable pour se laisser surprendre, observer le pays et les gens. Je n’ai pas été déçu, personne n’a été déçu. Il y a bien 2 ou 3 remarques sur la difficulté du parcours mais nous étions prévenus. Il était préférable de prendre un VTT même si de nombreux gravel étaient au départ. Nettement moins à l’arrivée, mais quand même quelques uns.
Comment se retrouve t-on au Monténégro pour une épreuve de bikepacking ?
La réponse est simple: la frustration.
Il y a une dizaine d’année, j’ai voyagé à travers les Balkans, de Genève à Belgrade en passant par Zagreb, Ljubljana, Sarajevo, Mostar et Srebrenica. Mais malgré cette belle balade, je gardais au fond une frustration de ne pas avoir eu le temps de pousser plus loin, voir le Kosovo, la Bulgarie.
Je pourrai ajouter Casino Royale où James Bond joue une partie de poker à haut risque face à Le Chiffre, au Monténégro.
Alors quand j’ai vu passer l’info sur la Montenegro Mountain Madness, tout s’est condensé dans ma tête. Revivre ces sensations au coeur des Balkans, retrouver le goût de ce qu’ils appellent des burgers… une sorte de galette de viande avec quelques frites, ou entendre cet accent Serbo-Croate.
J’avais d'ailleurs pris soin de me préparer une liste des mots utiles comme Bonjour (Dobar dan) ou Merci (Hvala). Plus pour amuser la galerie et créer une complicité avec ces visages fermés et froids que pour vraiment enrichir mon vocabulaire Serbo-Croate.
C’est cela un voyage, en tout cas ce que je viens y chercher. Ce dépaysement, la délicieuse sensation de se dire “ah ouais, chuis pas à la maison là”. Regarder les gens vivre, découvrir d’autres saveurs et renifler d’autres odeurs.
C’est s’étonner du rythme de vie, comme avec ce serveur “un café s’il vous plaît" "Oui, tout de suite”.
15 min plus tard “Café Turque ou expresso?”
Et les paysages…je me suis émerveillé sans discontinuer, sidéré de voir que je passais d’un lieu magnifique à un autre. Puis un autre. Et encore un autre. Normalement, un parcours contient des portions moins réjouissantes, une traversée de ville, une zone industrielle.
Rien de tout cela au Monténégro. Il faut dire qu’avec une densité de population de 44 habitants par Km2 , équivalente à celle de la Dordogne pour une superficie de 13812 M2 contre 9060, il n’y avait pas foule. D’autant que Bea et Lucas ont pris un malin plaisir à nous faire traverser des zones parfaitement désertées, où même le diable ne voudrait s’y aventurer. Je me souviens de cette portion infâme de 100km sans eau ni nourriture, à travers la montagne. C’est un peu le challenge sur ces épreuves. Ce sont des courses, pourquoi pas, mais ce sont des épreuves dans l’acceptation du terme la plus rude. Il faudra surmonter de nombreuses épreuves pour avoir le privilège de voir la baie de Kotor. Les sections écrasées de soleil, où règnent en maîtres les cailloux, les pistes “tôle ondulée”, les descentes qui combinent ce qu’il y a de pire, un festival ininterrompu de gros cailloux, de trous, d’ornières vicieuses.
Et quand on arrive miraculeusement dans un refuge de montagne à 2200m d’altitude, après 14 km d'ascension par 35C°, on découvre qu’ils n’ont plus d’eau mais 2 fantas (ou l’équivalent local), tièdes et servis dans une ambiance de chalet Alpin avec des représentations de corridas en guise de tableaux. Tout cela avec la famille de bergers qui se dispute sous mes yeux.
Croyez -moi, il n’y a rien de plus terrifiant qu’une dispute en Montenegrin, surtout après 3 jours de vélo.
Sans parler de la tête qui dépasse du 1er étage à mon arrivée, Fabrizio, un concurrent Italien. “Ça va ? Pas terrible, je suis malade" "Tu as perdu ta dignité ? Pas encore”.
Le dépaysement, c’est aussi les petits trucs qui fâchent. Comme ce viaduc en fond de vallée, accablé d’une chaleur épouvantable, mais lacéré de part et d’autres par des hordes de touristes pressés de faire un selfie, qui traversent quoiqu’il arrive. A ce moment-là, j’aurai apprécié une pause pour une glace mais le slalom à haut risque m’en a coupé l’envie. Tant pis, j’ai enchainé sur les 10 km d'ascension qui nous attendaient. Un peu plus loin, j’aurai la bonne surprise de découvrir que j’avais emmené mon passeport. Pratique pour passer le poste frontière et une courte incursion en Bosnie. Je dois avouer que je ne vais jamais aux briefing d’avant-course. Cela m’a joué des tours par le passé, moins maintenant mais je ne suis certainement pas au bout de mes surprises. Tant que j’en suis aux confessions intimes, je dois avouer que j’ai transgressé la règle d’or du bikepacking : toujours partir avec un vélo et du matériel que l’on connaît bien. Je suis parti avec le Chiru Highlander, reçu 8 jours avant. Par contre, je connaissais parfaitement le reste de l’équipement, sauf peut-être ce sac de guidon qui m’a lâché assez rapidement.
La réflexion sur les petites fâcheries du quotidien fonctionne aussi pour les voitures qui nous frôlent, feignant d’ignorer notre existence à 2 roues. Après l’arrivée, j’apprendrais par mon chauffeur de taxi que ce n’est pas de la mauvaise volonté. Le Monténégro est simplement un pays encore en cours de développement où le sport se résume aux sports collectifs, vestige d’une ex-Yougoslavie et son patriotisme en survet’. Faire du sport pour son plaisir n’est pas la top priorité des Montenegrins, encore moins faire du vélo. Alors lorsqu’un automobiliste voit un vélo devant, il est pris au dépourvu et ne sait quoi faire.
A tel point que, en arrivant à Nikšić (prononcez Nitch Sitch), j’ai cru revenir à l’ère Yougoslave avec d’immenses bâtiments officiels et leur enseignes en Cyrilique.
Mais surtout, entrer dans la ville par cette large avenue à 22h, un soir de canicule où les trottoirs étaient bondés et les esprits visiblement échauffés. Une voiture arrivant en sens inverse fit mine de se déporter pour me percuter, tandis qu’un groupe de jeunes s'adressant à moi avec une intonation n'évoquant pas “bienvenue”. Inutile de sortir ta liste de mots Serbo-Croates me dis-je.
Le temps de me rendre dans une épicerie pour faire le plein, découvrir que la patronne parle “un peu français, ma cousine habite à Paris”, et me plaindre de l'absence de pizzeria, cette charmante dame m’indique une pizzeria à 400m de là…il ne me restera plus qu'à trouver un truc à manger grâce au menu écrit lui aussi en cyrillique, écriture utilisée pour les langues Slaves, notamment des peuples orthodoxes.
Mais le pire, vous savez, ce n’est pas la chaleur, les cailloux, les pentes, le manque d’eau et de nourriture.Le pire, ce sont les chiens. Les chiens des Balkans. De vraies carnes, assoiffées de sang frais arraché à même le mollet. Je me suis fait courser plusieurs fois, arraché de force à la torpeur de l’ultra.
En fait non, le plus dur dans un ultra, c’est de finir.
C’est de réaliser qu’il va falloir retourner dans le monde normal, que la parenthèse enchantée va s’arrêter. C’est avoir un léger coup de blues qui me pousse à m’arrêter prendre un café Turque dans un bar au bord de la route à 20km de l’arrivée et observer les vieux, fumer et boire leur bière à 8h du matin. C’est finalement rallier l’arrivée, pas pressé, bien décidé à savourer chaque seconde. Puis voir le visage de Lucas, puis Bea et ses parents. Puis Melvin, arrivé juste avant moi. Même me laver me fera de la peine. Après 4 jours à dormir dehors, j’ai fini par créer un lien, une complicité avec la couche de poussière mêlée de transpiration qui s’est consolidée sur mes jambes.
L’objectif est rempli, j’ai trouvé ce que j’étais venu chercher. Pas de chute, pas de casse,pas de bobos, pas de défaillance. Je reviendrai en mai 2025 pour la Transbalkan Race entre Trieste en Italie et la baie de Kotor au Monténégro en passant par la Croatie et la Bosnie. Là, je verrai à nouveau le pont de Mostar et pourquoi pas, je m’autoriserai à sortir de la course et faire un détour pour retourner à Sarajevo.



















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